Depuis une vingtaine d'années la presse écrite connaît de grosses difficultés. Il est loin le temps où le « Petit Journal » ou « Le Soir » tiraient à plus d'un million d'exemplairse par jour. Aujourd'hui, les sources d'information sont beaucoup plus nombreuses : télévision, radio, internet... Des médias diversifiés, rapides et gratuits. La presse écrite se vend de moins en moins. Seul un type de journaux parvient jusqu'aux yeux de grand nombre de Français : les journaux gratuits. Certains journalistes et citoyens se méfient cependant de cette nouvelle forme de presse. Ces quotidiens représentent-ils une menace ?
Depuis un siècle, les ventes de la presse payante n'ont cessé de diminuer. En 1914, la presse quotidienne vendait 5 millions d'exemplaires. Aujourd'hui, ce sont seulement 3 millions d'exemplaires pour la presse nationale et la presse régionale réunies. Seule exception, la presse gratuite. Lancée à la fin du 20ème siècle, « 20 minutes » et « Métro » distribuent plus d'1,7 million d'exemplaires à eux deux. « Le Parisien » arrive loin derrière avec 510 000 lecteurs, tout comme « Ouest France », premier journal régional, avec 790 000 exemplaires. Ces journaux remplissent leur premier objectif : équilibrer leurs comptes ; ils ne s'appuient plus sur l'argent des lecteurs mais sur les informations publicitaires. Pourtant, certains ne sont pas favorables à cette gratuité. C'est en effet une concurrence déloyale: pourquoi payer l'information quand elle peut désormais être gratuite ? Nous pouvons dès lors douter de la fiabilité du travail et des articles de journalistes qui ne sont plus payés par les lecteurs mais par les encarts publicitaires. Cette préoccupation économique semble étouffer les préoccupations politiques. La presse a longtemps été surnommée « le Quatrième pouvoir » en raison de sa capacité à influencer l'opinion publique et le gouvernement. Elle semble avoir perdu ce pouvoir. Elle s'auto-censure désormais dans le but de ne pas porter tord aux marques qui les financent. C'est pour cette raison que certains débats et que certaines actualités politiques n'apparaissent pas dans la presse gratuite. Peut-on par exemple parler librement du commerce équitable quand Nescafé achète des encarts publicitaires pour le journal en question ? Un autre grand reproche qui peut être formulé à l'encontre des journaux gratuits est de transposer dans la presse écrite le « Symbole TF1 ». En effet, en 2004, Patrick Le Lay, alors PDG de TF1 avait ouvertement déclaré :
"Il y a beaucoup de façons de parler de la télévision. Mais dans une perspective ”business”, soyons réaliste : à la base, le métier de TF1, c’est d’aider Coca-Cola, par exemple, à vendre son produit (...). Or pour qu’un message publicitaire soit perçu, il faut que le cerveau du téléspectateur soit disponible. Nos émissions ont pour vocation de le rendre disponible : c’est-à-dire de le divertir, de le détendre pour le préparer entre deux messages. Ce que nous vendons à Coca-Cola, c’est du temps de cerveau humain disponible (...)."
La gratuité des journaux risque de mener la presse écrite à agir de façon similaire. Il faut tout faire pour que le regard du lecteur se pose sur les pages publicitaires. Et pour capter l'attention du plus grand nombre, il est plus facile d'écrire un article sur le divorce d'Eva Longoria et de Tony Parker que de s'essayer à une longue et précise explication sur les enjeux de la réforme des retraites.
Cependant une critique similaire avait déjà été formulée au 19ème siècle à l'encontre d'Emile de Girardin qui fut le premier rédacteur à insérer de la publicité dans son journal. C'est donc une vieille méfiance de la presse à l'encontre du monde de l'entreprise. Pourtant il y a des raisons objectives d'être inquiets à propos de l'indépendance des journaux gratuits.
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