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REPORTAGE

ENQUETE SUR LE COMMERCE EQUITABLE

Un reportage écrit et réalisé par Muriel EYENGA-BALLA et Paul MARTELLIERE.




En 2003, lors de la réunion ACP-UE de Brazzaville les parlementaires européens faisaient le terrible constat
qu'un nombre de plus en plus grand de petits producteurs de café étaient obligés de vendre au dessous
des coûts de production alors que, dans le même temps, les grandes firmes internationales comme Nestlé,
Craft, Sara Lee ou Procter et Gamble cumulent des milliards de bénéfices sur ce même commerce.
Cette situation est intolérable et c'est pour remédier à ce problème que s'est développée une nouvelle forme
de commerce: le commerce équitable.
Le commerce équitable est un commerce citoyen permettant aux producteurs d'être justement rétribués
pour leur travail grâce à la suppression des intermédiaires et de la publicité. Quel est le principe de cette
nouvelle forme de commerce ? Y-a-t-il un marché et une clientèle ? Peut-il se développer d'avantage ?

Concrètement, comment fonctionne le commerce équitable ?
Prenons l'exemple du commerce de la banane. Le producteur traditionnel reçoit 12 centimes par kilo
pour un prix de vente moyen de 2 euros: 38 centimes d'euros vont aux coûts de transformation et d'exportation,
1 € 49 au conditionnement et à la distribution. Les marges de ces intermédiaires sont les mêmes pour
le commerce équitable. Ce qui change, c'est la rémunération du producteurs qui n'est plus de 12 centimes
d'euro mais de 31 centimes par kilo de banane. Cela n'a peut-être l'air de rien mais représente quasiment
un triplement des revenus du producteurs. Alors qui paye cette différence ?

L'absence de publicité tout d'abord; pas de dépense pour communiquer, pas de Georges Clooney à payer
pour vendre du café, pas de Dany Boon pour vendre des bananes, donc un prix un peu moins élevé a l'arrivée.
C'est surtout le consommateur qui va payer les 20 centimes d'euro de plus par kilos.
C'est ainsi que fonctionne ce commerce, quel que soit le produit. Un peu plus cher, certes, mais le consommateur
a la garantie que son produit préserve l'environnement et rémunère les agriculteurs des pays du sud.
Le commerce équitable s'engage en effet à respecter un cahier des charges environnemental, social et éducatif.
Environnemental: une agriculture biologique, sans engrais, pesticide et soucieuse de qualité.
Social par une juste rémunération du producteur aux dépends des très nombreux intermédiaires.
Educatif car les producteurs bénéficiant du label s'engagent à ne pas faire travailler leurs enfants mais à les
scolariser, ce qui participe à la formation des élites, d'une main d'oeuvre qualifiée donc au développement.

Mais où trouver ces produits près de chez nous ?
Il y a deux lieux de ventes principaux: Artisans du Monde et la Grande distribution.
La boutique Artisan du monde a ouvert ses portes en 1995 au Mans. C'est une association essentiellement
gérée par des bénévoles. Elle est installée rue nationale, au coeur de la ville. La progression du chiffre d'affaires
fut importante dès l'ouverture de la boutique: 55 214 euros en 1995, 94 113 euros aujourd'hui. Il existe désormais
une clientèle fidèle mais Julie Le Bihan, chargée du développement commercial d'Artisans du Monde au Mans,
reconnaît un tassement du chiffre d'affaire depuis quelques années. « Artisan du monde » regroupe des militants
qui cherchent à mettre en place les bases d'un monde plus solidaire. Par delà le commerce équitable,
leur action est également politique et éducative afin de sensibiliser les plus jeunes comme les adultes
à la possibilité de consommer autrement, la possibilité de concilier le commerce et l'éthique.


Le même constat est opéré par Frédéric Renard, responsable du rayon épicerie au magasin Leclerc du Mans.
Paradoxalement, les principaux lieux de distribution des produits du commerce équitable sont aujourd'hui les étals
des grandes surfaces. Le premier distributeur à s'être lancé sur ce marché fut l'enseigne Leclerc, dès 2001.
Une centaine de produits équitables y sont désormais vendus mais ce sont essentiellement des produits alimentaires.
Une étiquette revient, toujours la même, celle de Max Havelaar. Cette marque équitable est actuellement la plus vendue.
Mais ce marché, s'il a lui-aussi connu une explosion lors de son lancement, a tendance à s'essouffler
et ne représente guère plus d'1 % des ventes du rayon alimentaire, comme le confirme Frédéric Renard,
responsable du rayon épicerie de l'hypermarché Leclerc du Mans.

Alors pourquoi cet essoufflement ? Un problème de prix ? Les produits coûtent en effet plus cher que les autres.
C'est pourquoi le commerce équitable n'est accessible qu'aux classe sociales les plus aisées pouvant se permettre
d'accorder un budget plus important à l'alimentation. Prenons un exemple concret: un café soluble de la marque
Repère est 1€20 moins cher que son équivalent du commerce équitable. De plus, le choix proposé est limité,
l'achalandage sur les rayons est restreint. Les produits alimentaires de base comme le riz, les pâtes, le café
ou les jus de fruits occupent tout l'espace... c'est à dire: un tout petit rayon perdu au milieu des milliers de produits qui,
eux, n'ont rien d'équitable.
Même problème chez Artisans du Monde. Ce n'est pourtant pas la volonté qui manque... mais la place ! Vendre du
textile équitable est quasiment impossible. Cela nécessiterait de disposer de plusieurs modèles, de plusieurs tailles
donc de vastes locaux et entrepôts. Ne parlons pas des questions de coûts: y-a-t-il une clientèle mancelle prête
à dépenser 100 euros pour un pull équitable ?

Enfin, principal obstacle à l'essor de ce commerce: la confiance.
Le marché du commerce équitable n'est pas si transparent que cela. La certification est opaque. Le consommateur
doit avoir la certitude que le produit qu'il achète répond aux critères du commerce équitable. Or, qui labélise ?
Y-a-t-il une certification internationale ? Dans son livre
« Les coulisses du commerce équitable », Christian Jacquiau
dénonce ce manque de transparence. Pire: il s'inquiète d'une dérive, particulièrement chez Max Havelaar.
FLO-CERT, l'entreprise certifiante dépend de Max Havelaar. Celui qui certifie (FLO-CERT) est financé par celui qu'Il
a la charge de contrôler (Max Havelaar)! Comment être indépendant et disposer de la liberté de refuser la labélisation
de certains producteurs dans de telles conditions ?! De plus, techniquement, seule une poignée de salariés en free-lance
parcourent le monde pour contrôler les producteurs et leur attribuer le précieux label.
Certaines exploitations n'ont pas vu l'ombre d'un contrôleur depuis plus de 10 ans. Qui va donc nous prouver
que les normes du commerce équitable sont respectées ?

Le commerce équitable atteint ici ses limites. Ce grand concept né d'une idée juste et généreuse s'est perverti
au fil des années pour prendre les allures d'un commerce peut-être pas aussi équitable que ce que l'on imagine.
Minga et d'autres réseaux de distribution du commerce équitable existent cependant mais ils n'ont pas la notoriété
de Max Havelaar et peinent à se faire connaître du grand public. Car, malgré les nombreuses limites techniques,
commerciales voire idéologiques de cette forme de commerce, elle reste un espoir et un moyen de manifester
sa solidarité et son engagement personnel pour faire vivre un monde de justice et de solidarité, loin des valeurs
individualistes qui triomphent en occident.